Keryado

Poème et poésie
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 Keryado: Soir sur le Scorff et le château de Tréfaven

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■ Poème et poésie

Un jour, un poème

Né dans la commune, il fut connu pour ses écrits ou, inspiré par Keryado et tombé sous le charme de ses paysages ou de ses habitants, laissa s'exprimer la muse pour écrire quelques belles lettres malheureusement devenues souvent trop peu connues.

Nous souhaitons vous les faire découvrir à travers la page que vous ouvrirez en cliquant ce lien...

Keryado

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  • FrançaisKeryado
  • BrezhonegKeriadoù
    ( Breton )
  • Population58 100 hab.
    GentiléKeryadins
  • Superficie17,48 km²
  • Densité3323.8 hab./km²
  • Latitude47° 46 '43" N°
    Longitude3° 23 '20" W°
  • Latitude47.761931°
    Longitude-3.388799°


⌘ Le tailleur de tombe

C'est le vieux tailleur des blanches tombes :
Il les taille ainsi dès le matin ;
Sous son lourd, marteau les éclats volent,
Autour de lui tombe une poussière,
Et le soleil luit sur le chantier.

— Tu bois donc, brave homme, ta bouteille ?
Oui, car ce m'est joie et réconfort :
Je sentirai moins l'heure pesante,
Je taillerai mieux la pierre dure,
Quand j'aurai fini ce petit vin.

De quel bras il taille, et quel courage !
Vraiment, c'est un jour puissant d'été,
Un jour qui vous fait marcher en rêve
Avec des murmures sous le front,
Là-bas, les cyprès dorment sans brise.

— Pour qui tailles-tu ce grand tombeau ?
— Je n'en sais trop rien : je taille et taille
La tombe de l'un, celle de l'autre :
Ce sera pour vous bientôt, peut-être :
C'est mon fils qui met le nom dessus.

Et qui donc fera, vieillard, la tienne !
— Si je n'en ai pas, peu m'en soucie :
Deux lettres en croix avec de l'herbe,
Et sur moi le poids d'aucun mensonge :
À votre santé, vous qui passez !

— Tu dis bien, vieillard : c'est vrai, je passe,
Et je ne sais pas où je serai
Lorsque reviendra l'Automne d'or :
Vous ne ferez pas ma tombe blanche,
Ni toi, ni ton fils, ni ceux d'ici...

On ne retient pas l'homme qui chante :
C'est le goéland de tous les flots ;
Voyageur il va de rive en rive :
Il va contempler la face humaine
Dans toute cité sous le soleil.

Et tous les vivants près de lui marchent,
Sans savoir qu'il est le grand Vivant,
L'âme en qui frémit toute musique,
L'âme en qui sanglot, tempête et râle
Se font mélodie, à ravir Dieu.

Il chérit la mer et l'aventure,
Il veut devant lui l'espace ouvert,
Du regard il boit le ciel entier ;
Pour compagne il prend la Solitude
Et le vent sauvage est son ami.

Ah ! déjà se lève dans ses rêves
La clarté des jours à naître encor ;
Et, voyant ses yeux tout enflammés,
Vous dites : le feu est à sa tête !
Et vous en riez comme d'un fou.

Mais quand fleuriront les cités justes
Où tout sera calme et rayonnant :
Sachant qu'il était vraiment un homme,
Vos petits-enfants, plus que vous sages,
Chanteront ses chants dans l'avenir.

Même quand il souffre, il chante ! il chante !
Il pourrait chanter sur le gibet
Car il n'est que chants, le grand Maudit.
Mais vous dites tous : que nous importe !
Nous ne pouvons pas vivre de chants.

À ce monde il faut des chants, brave homme,
Des chants généreux comme le vin :
Est-ce que jamais, toi, tu ne chantes ?
Aimes-tu le bruit du marteau rude
Plus qu'une chanson vers l'Infini ?

Puis il va : de l'air, des flots encore,
Et des continents prestigieux.
Ah ! le vent qui vient sur sa poitrine,
Le vent frais qui vient baiser son cœur !
Puis, sous d'autres cieux, d'autres écumes...

Souvent il est seul sur le navire :
Mais parfois un frère à lui s'en vient,
Et devant l'étoile ils se devinent
Et sur le pont, loin des passagers,
Il disent des mots connus d'eux seuls.

— Il faut bien pourtant que l'on s'arrête
Pour aller dormir au fond du trou
N'en crois rien, vieillard, l'âme est puissante,
Et les voyageurs, loin de leur tombe,
Par d'autres chemins vont, rajeunis.

Louis Le Cardonnel - 1862-1936