■ Le Mystère de Bessé-sur-BrayeLes nouvelles à Bessé-sur-Braye
Bessé-sur-Braye, 22 juin - Samedi dernier, écrit L'Avenir de la Sarthe, le sieur Renvoisé, cultivateur au hameau de Moutumier, commune de Bessé-sur-Braye, traversait le champ de la Vieille.
Arrivé dans la chintre - lisière inculte et boisée d'un terrain cultivé - un affreux spectacle s'offrit à ses yeux. Devant lui un cadavre était étendu sur le dos, les pieds nus et ensanglantés, les jambes allongées, la main gauche repliée, il portait au cou une large blessure d'où le sang à peine étanché encore avait jailli en abondance sur la poitrine. Cet individu était évidemment un ouvrier ou un travailleur des champs ; la blouse bleue dont il était vêtu était passée dans un pantalon à carreaux gris. La casquette gisait près de la tête.
Effrayé de sa découverte, Renvoisé courut prévenir le sieur Mary Ludovic, maréchal, qui travaillait près de là dans sa vigne : tous deux revinrent dans la chintre ; puis allèrent en toute hâte avertir les autorités.
La gendarmerie se rendit sur les lieux accompagnée de M. de Saint-Hytier. D'après les constatations de celui-ci, la plaie béante qui déchirait le cou du cadavre avait été faite à l'aide d'un instrument tranchant, et la mort devait remonter à quelques heures. Mais, chose singulière, ses vêtements seuls étaient ensanglantés; il n'y avait point de mare de sang sous lui ; seulement, çà et là, on apercevait quelques pierres rougies.
On fit des recherches. À 15 mètres de là, ou trouva le long de la haie un porte-monnaie contenant deux pièces de 50 centimes. Et à côté, deux pipes enterrées, imprégnées de sang. À quarante mètres plus loin, on trouva au fond du fossé, dans une mare de sang, deux sabots et un couteau à trois lames à demi ouvertes, pleines de sang.
Y avait-il eu suicide ou assassinat ! La découverte du porte-monnaie jeté le long de la haie ne semblait-elle point appuyer cette dernière hypothèse ? Comment éclaircir ce mystère ?
D'après les renseignements fournis par le sieur Renvoisé, le défunt avait dû coucher à la ferme de la Tétardière, chez le sieur Gâchet.
En effet, celui-ci déclare que la veille, vers 9 heures 1/2, un individu était venu lui demander l'hospitalité. Il avait tiré de son portefeuille et lui avait présenté un acte de séparation au nom de Louis Porée, charron, à Saint-Gervais-de-Vic.
Le sieur Gâchet, en conversant avec lui, remarqua que Porée ne paraissait pas jouir entièrement de ses facultés intellectuelles ; il avait des hallucinations et se disait poursuivi par des gens qui lui voulaient du mal.
Il lui avait accordé l'hospitalité pour la nuit, l'avait conduit dans la grange et l'avait enfermé à clef.
Le lendemain matin, lorsqu'il vingt pour lui ouvrir, il constata que Porée avait disparu ; il avait arraché la gâche de la serrure qui n'était pas très solide.
Le drame avait dû s'accomplir peu de temps après. Enfin on apprit que Porée, marié et séparé, vivait en concubinage avec une femme G.J. Ils habitaient en dernier lieu la commune de Lavenay, chez le sieur Bechis, propriétaire.
Porée travaillait au terrassement du chemin de fer en construction. La femme Grison avait quitté son amant depuis plusieurs jours. Le départ de sa maîtresse avait profondément affecté le malheureux Porée.
Le chagrin qu'il éprouvait de l'abandon de sa maîtresse, a-t-il poussé cet homme à se donner la mort ? A-t-il été victime d'un assassinat ? Dans ce cas, le meurtrier, désappointé de l'insignifiance de la somme trouvée sur le malheureux, aurait jeté le porte-monnaie en se sauvant.
Une enquête seule pourra faire la lumière là-dessus !
LA LANTERNE - 24 juin 1887
La presse du passé est passionnante !
Regorgeant d'anecdotes ou de faits-divers, parfois croustillante, souvent sordide, parfois amusante, elle nous permet de ressentir la manière de pensée de nos aïeux, de ceux qui ont vécu en cette commune, en ce territoire, de ceux qui l'ont fait vivre et que nous visitons.
La presse passée redonne vie aux simples citoyens, à ces gens qui n'auront jamais nom en livres d'histoire.
Il est plaisant d'y voir l'évolution des importances: en 1900, le commissaire fait une enquête pour un vol de jambon.
La violence est importante: violences ménagères ou non sont courantes, violences villageoises, banditisme ou non aussi ; les comptes se règlent à coups de poings, de bâtons ou autres armes.
Les cuites sont monnaie courante et pas exclusives de certaines régions: nombre de nos aïeux - ayant sans doute très soif, picolent sec !
Un prix spécial devrait être décerné à certains journalistes de cette presse ancienne: les coupures concernant les cuites et amendes en découlant sont parfois d'un humour extraordinaire.
Nous ne pouvons que vous conseiller de lire et acheter la Presse: vous la ferez vivre et imprimerez l'Histoire !