Au gouffre de Caladaire
l'équipe Lenain va tenter
de battre le record de descente
De notre envoyé spécial François-Jean ARMORIN
Avignon, 24 mars. — L'aventure com-
mencera le jour de Pâques. C est diman-
che, après que le camp fixe établi au
soleil de Montsalier sera monté, après
que les treuil auront ravitaillé le premier
relais, installé à — 70 mètres, que l'équi-
pe Lenain va empoigner les échelles pour
s'en aller a l'exploration du gouffre du
Caladaire (le « Cantonnier > en pro-
vençal).
Les spéléologues ne font que fort peu
amis de fa publicité;
— Ce que nous allons surtout cher
cher à explorer, m'explique André Lè-
nain, président du Spéléo-CIub d 'Avi-
gnon, c'equi alimente cette mystérieuse fontaine de
Vauduse. Cousteau, il y a près d'un an.
tentait avec son équipe de scaphandriers
d'éclaircir l'histoire. Ils ont pu, avec de
véritables difficultés, plonger jusqu à
80 mètres...
Les hommes de Lenàin et du profes-
seur Barons et les Eci-aireurs de Françe
vont prendre l'affaire par l'autre bout,
si j'ose dire.
C'est par la faille du Cantonnier,
orientée N.-E.-S.-O., à 850 mètres d'al-
titude, à quelques kilomètres de Montsa-
lier (Basses' Alpes) , qu'ils vont s'en-
foncer. ' .. <
Record battu ?
Battront-ils rie-, record de Norbert
Casteret au gouffre de la Henné-Morte,
avec 446 mètres, et celui de Chevalier
au réseau de la Dent de Crolles, ; qui
parvint jusqu'à 672 mitres ? EIL fait,
cela leur importe peu et ils n aiment
guère en parler. Ce n'est pas là affaire
de rivalité ou de concours, et leur mis-
sion eit d'abord scientifique.
Vacances de Pâques
des spéléologues
Le gouffre du Cantonnier à été décôu"
vert en 1942 par un groupe d'Apt, le
premier puits vertical de 62 mètres ex-
ploré en 1944. A - 170 mètres, une
étroite chatière dans t! éboulis central
permet de parvenir jusqu'à un autre puits
de 90 mètres barri par des cascades, puis
• un couloir d'argile, où les hommes de-
vront ramper, débouche sur ia grande
diaclase en crans avec une série d autres
chutes d'eau, et c est là le passage-témoin
le plus difficile.
De — 200 à — 230 rnètres : casca-
des... A — 240, un petit lac, une « mar-
mite de géant >, puis un couloir. Le laby-
rinthe de failles va de — 240 à — 260
mètres, se terminant par une nouvelle
chatière et une série de puits verticaux
jusqu'à - 373 mètres. C'èst là que com-
mence l'inconnu ; Lenain s est arrêté à
cette profondeur, faute de moyens lors
de sa dernière grande descente, ke
14 juillet 1947.
Pourtant, il a la certitude que ~e
gouffre est encore praticable ?ur des
centaines de mètres plus bas, puisque les
couches calcaires sont extrêmement
épaisses dans la^régiûn de MJntsalier,
Branle-bas de descente
La descente de Pâques sera faite par
les routiers d'Apt, de Lyon, de Dijon,
de Marseille, de Toulon, de Manosque
et de Paris, en liaison avec la Société
Spéléo d'Avignon.
Les opérations d'approche commencent
vendredi. Il s'agit d'amener sur place,, à
dos d'homme ou avec une vieille camion*
nette, 450 mètres d'échelles- 1.200 mè-
tres de cordages, les photofores d'acéty-
lène, les postes téléphoniques et un ampli-
ficàteur pour les relais téléphoniques.
Une liaison radio sera même tentée.
Samedi, la première équipe de soutien
établira un dépôt de matériel à - 300
mètres. Dimanche, les 10 hommes de
pointe plongeront à leur tour vers l'in-
connu, emmenée par Lenain et le profes-
seur Barone ; une deuxième section de
dix partira sept heures plus tard et ser-
vira de relais pour doubler les hommes
trop épuisés. _ Vers -400 mètres, elle
doit rattraper Lenain.
Les deux sections demeureront au
moins quarante heures sous terre. Si tout
va bien, si les liaisons marchent, si rien
n'arrête cette lente et difficile progres-,
sion vers les fonds, le record devrait
être battu dans la nuit de lundi ou L'a
journée oui suivra... Nous en renarlerons
bientôt.