
Skoed en gortoz
( Blason d'attente )

:
Camoël
■ Anévrisme et pastenague
Les raies pastenagues peuvent sembler inoffensives et leur nage est bien belle à regarder. Il faut néanmoins s'en méfier car leurs réactions sont rapides et violentes. Leur queue est une arme redoutable, armée d'un dard blanc à la pointe sommet et livide à la base. Un peu aplati, ce dard est hérissé des deux côtés de pointes dentelées.
Jean-François Jossot, natif de Camoël, en Bretagne, était alors âgé de vingt-deux ans. En parfaite santé, il devait, en octobre 1860, partir aux Armées. Avant ce départ au Drapeau, rentré chez lui, pêchant sur la Vilaine, il fut piqué au genou par une raie pastenague...
Camoël

- Français: Camoël
- Breton: Kamoel
( Brezhoneg ) - Population: 800
Gentilé: camoëlais - Type: Commune
- Superficie: 14,33 km²
Densité: 55.83 hab/km²
- Latitude: 47°29'60" N
Longitude: 2°24'60" W
- Latitude: 47.483299" N
Longitude: -2.400000
- pages: 18
⌘ Anévrisme et pastenague
En octobre et décembre 1860, M. Alphonse Aubert, chirurgien-major de 2° classe au 43° Régiment d'Infanterie alors basé à Vannes, vit arriver un jeune appelé appelé Jean-François Jossot ; un conscrit parmi les 400 jeunes hommes appelés sous les Drapeaux. Il présentait un énorme problème que le médecin militaire, après un examen rapide, qualifia de tumeur de la région poplitée.
◎ Jean-François Jossot
Jean-François Jossot est né le 11 avril 1839 à 8 heures du matin. Il était né de François, vigneron âgé de 26 ans, et de Jeanne Delalande dont l'âge n'est pas spécifié. Guillaume Le Ray, âgé de 32 ans, et François Le Floc'h, âgé de 37 ans, furent les témoins attestant cette naissance. Tous habitaient au village de La Grée, en Camoël, aucun ne savait signer et l'acte fut le 13° de l'année.
Arrivé l'année de ses 20 ans, Jean-François tira mauvais numéro et se vit appelé sous les Drapeaux pour un service militaire durant théoriquement 6 ans.
Il reçut sa feuille de route en octobre 1860 et se rendit à Vannes; sa ville de garnison.

Raie Pastenague
Date: 1895
◎ La raie pastenague
Le développement de cet anévrisme emprunte un intérêt tout
particulier à la cause qui l’a fait naître.
Au milieu de la nombreuse famille des raies se fait remarquer
une espèce connue sous le nom de Pastenague. Ce poisson, qiq
se trouve répandu dans toutes les régions de l’Océan, sur les
côtes de Bretagne, possède une longue queue dangereusement
armée d’un dard très-fort, très-gros, d’une longueur de quatre à cinq pouces et même plus. Blanc à son sommet, et livide par le
bas, il est un peu aplati et hérissé des deux côtés de pointes et
de dentelures. Pour se défendre , la pastenague se sert de sa
queue avec une telle rapidité, qu’un trait décoché par un archer
Vigoureux n’arrive pas plus vite au but que l’aiguillon dont elle
est garnie. On conçoit sans peine qu’une pareille arme puisse
devenir extrêmement dangereuse pour l’homme; car les dente
lures qui bordent ses côtés sont disposées de manière à la faire
entrer facilement dans les chairs, et à l’empêcher d’en sortir sans
occasionner de graves déchirements : aussi les pêcheurs qui ont
pris une pastenague se hâtent-ils de couper son aiguillon ; et
dans quelques pays, en Sardaigne, par exemple, il est défendu de
vendre ce poisson avant de l’avoir ainsi privé de l’arme dont il
est pourvu.
Les anciens, toujours amoureux du merveilleux, ont rempli
leurs écrits de faits extraordinaires sur les suites funestes d’un
prétendu vénin, grâce auquel l’aiguillon dentelé dont il s’agit
devenait une arme plus prompte adonner la mort que la flèche
empoisonnée des peuples sauvages. Dans les récits de ces auteurs,
ce dard pénètre le corps avec la force de l’acier, et le ravage
avec l’activité du poison le plus violent; il conserve sa puissance
délétère longtemps après avoir été détaché du poisson qui le por
tait ; il tue par son simple contact l’animal le plus vigoureux ; il
dessèche les plantes les plus vivaces, et fait périr l’arbre le plus
gros. On comprend maintenant qu’il ait passé pour l’arme en
chantée que la magicienne Circé remettait à ceux qu’elle voulait
rendre vainqueurs de tous leurs ennemis.
Pour nous, qui laissons de côté toute exagération, nous n’en
admettons pas moins que l’aiguillon de la pastenague soit très-
redoutable en raison de sa grandeur, de sa dureté, de ses dente
lures et de la vigueur avec laquelle l’animal s’en sert pour frap
per. Il n’a pas besoin d’être le conducteur d’une liqueur
vénéneuse, qu’aucune glande voisine de lui ne paraît consacrée
â filtrer, pour produire des accidents très-graves, d’autant plus
que le limon qui peut les recouvrir, que les petits corps étran
gers qui peuvent s’être fixés à sa surface et qu’il abandonne dans
la blessure, doivent souvent l’irriter, l’enflammer et la rendre
plus cuisante. Que si l’on suppose qu’il reste enfoncé dans quel
qu’une de ces parties, telle que la main ou l’avant-bras , qui sont
formées d’une si grande réunion de nerfs, de vaisseaux, de ten
dons, de muscles, de membranes ; qu’il y a été agité en différents
sens, et qu’il en a été arraché violemment, alors on pourra voir
survenir des douleurs intolérables, des convulsions , des abcès,
des vomissements, une foule d’autres symptômes alarmants et en
fin la mort.
Ces préliminaires étant établis, arrivons à la narration de
notre anévrisme.
Jossot (Jean-François), né à Camoël (Morbihan); âgé de vingt-deux
ans; d’un tempérament sanguin, bien constitué; jeune soldat de la classe
de 1860. — Après avoir été reconnu apte au service militaire par le conseil
de révision du Morbihan, ce jeune homme revint dans sa famille pour y
reprendre le cours de ses occupations journalières jusqu’à l’époque de son
incorporation au 15" régiment d’infanterie.
Il se livrait parfois à la pêche; c’est ainsi que, vers la fin du mois d’août
dernier, ayant jeté une seine à la mer, il en retira au bout de quelques ins
tants un poisson assez volumineux, presque complètement enveloppé dans
la vase. Au moment où notre pêcheur inexpérimenté se disposait à le saisir
pour le jeter sur la plage, l’animal, se retournant par un mouvement rapide,
lui lança l’aiguillon de sa queue armée dans le genou gauche, de la partie
supérieure et interne vers la postérieure. En se retirant aussitôt, le poisson
laissa une blessure avec une seule ouverture d’entrée, de forme irrégu
lière, à bords déchiquetés; cette ouverture donna issue à des flots de sang
spumeux, vermeil, rutilant et s’échappant par saccades. Jossot, sentant ses
forces l’abandonner, eut la bonne inspiration d’exercer avec son mouchoir
une forte compression sur la région poplitée. Seulement, quand il voulut
retourner à son logis, la douleur et l’engourdissement de tout le membre
le tinrent cloué à la même place : aussi fut-il dans l’obligation de faire pré
venir deux de ses parents qui le transportèrent chez lui. —Le lendemain, la
plaie s’était refermée, mais il existait au creux poplité une tumeur delà gros
seur du poing. Le blessé, chez lequel une fièvre consécutive à la douleur
s’était allumée pendant la nuit, ne pouvait plus allonger la jambe, qu’il était
obligé de maintenir fortement fléchie sur la cuisse. Cette pénible situation
se prolongea pendant un mois et demi; et, par une inconcevable incurie, trop
fréquente dans les campagnes, aucun médecin ne fut consulté. Plus tard,
la tumeur anévrismale parut s’affaisser un peu ; les souffrances devinrent
moins vives, et le malade s’essayait péniblement à marcher, quand il s’agis
sait d’aller chez lui d’un endroit à un autre. — Sur ces entrefaites, Jossot
reçut l’ordre (25 octobre) de se rendre à Vannes, où l’attendait une feuille
de route qui devait le diriger sur son régiment.
Le jour même de son arrivée au chef-lieu du département, je fus appelé
à le visiter. Enlouré que j’étais de près do 400 jeunes gens que jedevais
également recevoir, mon examen fut rapide et le diagnostic incertain. Je
signai d’urgence un billet d’hôpital avec cette annotation ; Tumeur à la ré
gion poplitée. Je me promis toutefois d’examiner le malade avec plus d’at
tention. En effet dès le lendemain j'allai le retrouver dans une salle de
blessés. Quel ne fut pas mon étonnement quand, appliquant la main sur la tu
meur, je découvrisles symptômes les plus marifestes d’un anévrisme poplité!
M’entourant immédiatement de tous les renseignements commémoratifs
indispensables pour fixer mon opinion, je trouvai ce cas do chirurgie telle
ment exceptionnel par la cause qui l’a produit, que je n’ai pu le passer sous
silence. Pendant le premier mois de son séjour à l’hôpital, Jossot fut soumis
à l’observation. Plus tard on tenta la compression digitale, qui, pratiquée
de deux en deux heures, pendant la nuit seulement, n’apporta aucun
soulagement : aussi fallut-il y renoncer au bout du dixième jour. Puis la
tumeur augmenta rapidement, avec chalenr et vive douleur; dès lors
le toucher n’y laissa plus percevoir aucun battement isochrone à ceux du
cœur. L’épanchement de sang artériel se propageant peu à peu jusqu’au
bas de la jambe, le mollet acquit un volume double de ce qu’il était à l’état
normal. Toutes ces parties finirent par prendre un degré de tension tel
que, de temps à autre, la blessure produite par l’aiguillon de la paslenague
se rouvrait spontanément pour donner issue à une certaine quantité de
sang, et pour se refermer ensuite d’elle-même. A ces signes locaux peu
rassurants vinrent se joindre des symptômes généraux alarmants.
de douleurs, supportables d’ailleurs, et le malade est forcé de la
maintenir fléchie sur la cuisse. Que dire de l’avenir? Un travail
d’inflammation ultérieure, ou bien des phénomènes lents d’une
résolution favorable jugeront cette question. Mais quelle que
soit l’issue la plus favorable, Jossot ne pourra jamais rejoindre
son régiment; il devra, dans un temps donné, être l’objet d’une
proposition pour un congé de réforme. Les mouvements et la
force dans le membre affecté reviendront peut-être un jour? Ce
sera l’affaire de bien des années !

